8 mars 2012

La rémunération des correcteurs dans l’édition

La convention collective de l’édition, en son annexe IV, n’est pas des plus claires quant à la rémunération des correcteurs — qui sont des salariés. Un savant calcul nous est proposé afin d’aboutir à ce que peut espérer un travailleur engagé par une PME ou une grande entreprise éditoriale. Force est de constater qu’il s’agit presque d’apprendre une langue étrangère. Voici une tentative de traduction — et ses explications.

Selon l’article 3 de l’annexe IV, le correcteur travailleur à domicile (TAD) « est rémunéré sur la base de 12 000 signes à l’heure pour la lecture avec copie, et de 15 000 signes à l’heure pour la lecture sans copie pour les travaux courants, et au nombre d’heures déclarées en conscience pour les autres travaux. Sa classification est celle du correcteur à l’annexe I des employés ; le tarif horaire minimal est égal au salaire de la catégorie E 9 divisé par 152. Ce tarif suivra les mêmes augmentations en pourcentage que le barème de la convention collective nationale de l’édition, et il ne pourra en aucun cas être inférieur au barème en vigueur dans l’entreprise pour un emploi de même niveau ».

Si l’on se réfère à la grille des salaires, le salaire de la catégorie E 9 est de 1 221 € — en deçà du smic. Ce qui donne un tarif horaire minimal de 8 € brut — en 2011, le minimum horaire pour un smic est 9 € brut (source Insee). Pourquoi diviser par 152 ? Cela correspond à la durée légale mensuelle du travail. Afin d’obtenir 152, il faut effectuer un calcul à l’année…

52 (semaines) ÷ 12 (mois) = 4,3333 (nombre de semaines dans un mois)
4,3333 (semaines) x 35 (heures) = 151,6655 (heures travaillées dans le mois)
Chiffre arrondi dans la convention collective — ce qui fait tout de même une perte de près de 170 € brut sur toute une carrière de correcteur…

Toujours selon l’article 3, « tous les travailleurs à domicile perçoivent, en sus de leur rémunération, un supplément de traitement mensuel équivalent à 8,33 % de ladite rémunération ». Ce qui donne un tarif horaire de 8,66 € brut — même avec une « prime », on n’arrive pas au minimum légal. Actuellement, les représentants des salariés sont en discussion avec le Syndicat national de l’édition (SNE), qui représente les patrons, car ceux-ci tentent de faire passer ces 8,33 % pour un treizième mois — du moins dans les entreprises qui en proposent un à leurs salariés. C’est une escroquerie, car, dans ce cas, le correcteur ne touchera pas ledit treizième mois, alors qu’il y a droit, comme les autres salariés. C’est un des « charmes » de cette convention collective : nulle part n’est définie l’origine de cette prime. Mais c’est un droit, en plus des éventuels avantages d’entreprise.
Il est précisé dans le même article que « le salaire convenu est majoré de 10 % au titre de l’indemnité pour congés payés ». Cela donne 9,52 € brut. On vient enfin de dépasser le smic… Toutefois, c’est le salaire de base, sans avantages ou primes, qui doit être au moins équivalent au salaire minimum.

Dans l’article 4 est expliqué que, « pour tous travaux à domicile, il est attribué par heure de travail 5 % de frais professionnels […]. Ces frais professionnels sont portés à 7 % […] lorsque les travaux confiés impliquent l’utilisation d’un micro-ordinateur et lorsque le travailleur à domicile prend à sa charge les frais liés à cet équipement (matériel, logiciels et consommables). Toutefois, pour les travailleurs à domicile dont le local de travail est situé en dehors de Paris et des départements limitrophes, ou en dehors d’une ville française dont la population est supérieure à un million d’habitants, et pour tenir compte de charges liées au local, inférieures dans ce cas, les taux sont de 4 % et 6 % respectivement ». Prenons l’exemple d’un correcteur d’épreuves sur papier parisien. Son tarif horaire passe donc à 9,92 € (se sont additionnés les remboursement de frais).

Le tarif horaire proposé à un correcteur d’épreuves TAD ne vaut pas même le smic.

Toutefois, il est communément admis que les tarifs à appliquer sont de 12 € net (correction d’épreuves) et 16 € net (préparation de copie) minimum
. Même si cela ne se rencontre plus guère.

La grande difficulté pour le correcteur TAD est donc d’obtenir une rémunération acceptable quand la convention collective lui impose un tarif horaire en deçà du smic et que les tarifs idéalement pratiqués dans la profession sont une « tolérance ».

Seules choses à revendiquer dans cette convention : le salariat et le nombre de signes à l’heure. À noter que le calcul n’est pas fait pour une préparation de copie… le TAD conserve-t-il un statut de cadre ? Sur quel échelon se fonder afin de calculer son tarif horaire ? Mystère…

Les choses ne vont que doucement s’arranger avec le nouvel et huitième avenant…

Le tarif au 1
er octobre 2011
E 9 = 1 300, donc 8,55 € brut de l’heure…

Le tarif au 1
er janvier 2012
E 9 = 1 360, donc 8,94 € brut de l’heure. On n’est toujours pas aux 9 € brut du smic 2011.

La complexité cache l’indécence ? Si les échelons pris pour base de calcul n’affichent pas un salaire mensuel très réjouissant, il aura sans doute paru nécessaire de maquiller le scandale du salaire horaire proposé aux travailleurs à domicile de l’édition par une mise en place complexe, qui enfouit les chiffres sous les calculs. Toutefois, si la légalité n’est déjà pas très « légale » dans cette convention collective, et guère réjouissante pour qui veut travailler dans l’édition, les éditeurs qui rémunèrent en salaire pratiquent un tarif usuel au-delà du smic.